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récit d'un damné 1

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Message par Osiris Lun 14 Avr 2008 - 14:19

Om Rashid faisait de même. Elle ne se penchait jamais sur l’écritoire posé sur son genou, quelle que soit la complexité de son dessin. Il était impensable de s’absorber dans les détails aux détriments de l’ensemble du moins était-ce ce qu’elle avait expliqué. Kazan luimême ne pouvait pas lire les mots qui s’imbriquaient à présent dans les formes presque végétales qu’elle traçait. En tant qu’esclave porteur de missives, il était à son avantage de ne pas connaître le contenu des messages qu’il transmettait.

Néanmoins, il avait commencé à comprendre des bribes. Il reconnaissait ”Au nom d’Allah, le Bienveillant, le Miséricordieux” assez facilement, tracé près du haut, à côté de la forme enluminée du médaillon. C’était donc au nom d’Allah qu’elle invoquait cette magie. N’était-ce pas horriblement présomptueux ? La plupart des ’ulama humains le penseraient. Et pourtant, Om Rashid était un modèle de piété en toutes autres choses. Ses parents venaient à Bagdad de très loin pour étudier Vhadith auprès d’elle. Elle n’avait pas bu de sang pendant la semaine précédant cette incantation, et avait demandé à Kazan et Rashid de s’abstenir toute la nuit juste pour qu’ils puissent entrer dans la pièce. Kazan devait supposer qu’elle maîtrisait son sujet.

- Dis-moi comment tu as acquis ce papier, lui ordonna-t-elle soudain sans jamais quitter des yeux la ligne d’encre fluide.

Kazan fronça les sourcils. Avait-il commis une erreur, avait-elle découvert quelque imperfection sur sa surface ?

- Je suis allé à Samarkand, comme vous me l’aviez demandé, et fait apposer sur lui la bénédiction de Celui-aux-trois-yeux.

- Non. Raconte-moi comment ce fut fait.

- Pardonnez-moi madame, mais c’est une histoire dure, et même cruelle. Vous dites que vos pensées ne devraient se pencher que sur le sacré quand vous calligraphiez.

Il regarda Rashid pour chercher son soutien.

- Mon sage professeur me l’a toujours dit, approuva le Touareg. De plus, la douceur de votre cœur, madame...

Ses lèvres esquissèrent un sourire, presque invisible derrière son voile.

- Mon fils adoré, mon fidèle mamelouk. Je doute qu’il me plaise d’entendre ces choses, mais je dois tout de même savoir. Je suis l’auteur de cette œuvre. C’est à ma demande que vous avez fait tout cela. Je veux savoir et connaître le prix qu’il fallut payer. Vous devez me permettre de porter ce poids.

- Je vous obéis, madame, en toutes choses, dit Kazan avant de commencer son histoire.

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En vérité, madame, je vous le dis, quelqu’un aurait pu m’aveugler à Boukhara, que je serais quand même arrivé à destination rien que par l’odeur. Tout Samarkand sent à présent la mûre ; elle pousse dans les


jardins des papetiers, et elle trempe en bouillie dans leurs vasques. La lettre de votre Seigneurie à Ibn Nazif a dû arriver sans encombre. Il me rencontra juste devant les murs, où je m’arrêtai pour abreuver mon cheval, puis il m’emmena à la maison de Karim. Heureusement — je n’aurais jamais trouvé mon chemin tout seul. Il a repris la boutique d’un marchand de coton, cachant toutes ses affaires de sa cour immortelle derrière l’agitation de son commerce. Il n’a aucune honte à s’entourer des luxes qu’un tel maître des bazars peut s’offrir. On croirait arriver à la nouvelle Sodome.

Peut-être la rumeur dit-elle la vérité sur Karim. Mais que peut-on qualifier de folie chez un homme tant maudit par Dieu ? Je ne sais que ce que j’ai vu. Le sultan trônait, et il portait une pantoufle de velours je dis bien une seule — qu’il enleva et remit plusieurs fois pendant mon audience. Ses conseilleurs lui murmuraient des choses à l’oreille, le priant sans doute de cesser. Il opinait et les écartait d’un geste de la main, puis recommençait quelques minutes plus tard.

Et il ne supportait pas de toucher ou d’être touché par quelque chose d’autre. Quand vint l’heure du repas, il ne se lava même pas les mains et demanda à son propre frère de lever le poignet de la pauvre fille jusqu’à ses lèvres.

Je préférai ne pas parler de mes véritables affaires au sultan. Au lieu de cela, j’inventai une histoire de vengeance contre un Serpent qui me fuyait en faisant route vers l’est. Je sais, je sais ; que Dieu me pardonne d’avoir trompé un si vénérable fils d’Alamut. Mais j’approchai son frère Hajar, qui me reçut avec beaucoup de grâce dans le secret de sa chambre et m’écouta tandis que je confessai mes intentions.

Hajar regarda mes lettres de recommandation jusqu’à ce qu’il soit convaincu. Puis, sur son ordre, Celuiaux-trois-yeux fut sorti de sa cachette : un Jurchen aux cheveux de soie, piégé dans une enfance éternelle, tel que vous me l’aviez décrit. Son elocution était hésitante, celle d’un étranger, mais il parut me comprendre quand je lui expliquai vos demandes. Oui, il connaissait les bons enchantements, mais ils n’étaient pas simples. Il devrait être là pour la fabrication du papier. Il y avait des ingrédients à ajouter, des prières à dire.

Et ainsi, nous sortîmes dans la nuit, lui dans une litière — abrité derrière les rideaux comme une grande dame ! - tandis que plusieurs solides mortels et moimême chevauchions pour le protéger. Tout au long de notre parcours, les oiseaux s’envolaient de leurs nids, effrayés. J’aurais dû m’en alarmer, je le sais à présent. Il ne fut pas difficile de réveiller un papetier. Mais il fut plus dur de réveiller ses ouvriers et de les convaincre d’accepter de travailler pour nous à une telle heure. Les bourses généreuses de votre Seigneurie y parvinrent. Enfin, le travail commença.

Je montai la garde dehors pendant que le Jurchen conduisait son rite, tendant l’oreille pour savoir à quels


esprits ou djinn il en appelait. Mais je n’entendais qu’un lourd ronflement, comme une légion de mortels respirant tous à l’unisson. Pour je ne sais quelle raison, mes cheveux se dressèrent sur ma nuque, et soudain, je ne sais pourquoi, la rage lâche de Caïn se déversa en moi, battant contre les portes de mon âme, cherchant à éclater contre les hommes innocents qui se tenaient si près de moi. Dieu soit loué, je puis la repousser. Je n’ose songer à ce qui aurait pu advenir. Un jour à attendre pendant que le papier séchait, et tout fut fait. Nous retournâmes au palais, mais un couple de païens sales et en loques, sur de misérables poneys, nous attaquèrent avant que nous n’y soyons arrivés. Ce n’étaient pas des hommes ordinaires. Je m’en rendis compte immédiatement. En fait, j’aurais pu les prendre pour des Wah’Sheen, mais je ne peux croire que même ces brutes seraient assez stupides pour donner l’immortalité à des Mongols.

- Donne-nous le démon de uiuzzah, dirent-ils, ou quelque chose d’approchant - en parlant de Celui-auxtrois-yeux, bien sûr. L’instant d’après, une meute de loups sortit des ténèbres et se rangea aux côtés des chevaux, aucun animal ne s’effrayant de la présence de l’autre à son flanc.

- Je vais plutôt te libérer de ton existence de ténèbres, répondis-je.

Cela ne le troubla point. Comme un ouragan, ils se mirent à tourner et tourner, décochant leurs flèches et encourageant leurs bêtes à nous mordre. Mon cheval fut abattu sous moi. La cotte de maille que votre seigneurie m’avait donnée prouva sa valeur en arrêtant trois de leurs traits. Deux autres me touchèrent mais sans grand mal. Quant aux loups, c’étaient des brutes stupides, aisément mises en fuite par une chimère de feu.

Leurs maîtres, hélas, ignorèrent mon illusion. Mais là où elle s’était tenue, une lueur dorée commença à s’étendre sur le sol devant moi. Je ne l’avais pas produite. Elle devait provenir du Jurchen lui-même. Mais je ne voyais rien, puisque j’étais dans la bataille.

Leur première charge ayant échoué, je ne permis pas à mon ennemi d’en lancer une deuxième. Ils n’avaient aucun talent à faire valoir contre un attaquant invisible. Ma lame acheva l’un de leurs kuffar - il se tortilla comme n’importe quel buveur de sang quand sa tête se détacha - et blessa l’autre. Avant que je ne lève mon épée pour un nouveau coup, il saisit ma main et la retint avec plus de force que je n’en pouvais vaincre.

- Assez, déclara-t-il. Je ne peux vous combattre aux côtés de l’œil du démon. Mais vous avez tué Mianda, et seul votre sang pourra apaiser son esprit. Je suis Taban Chinua. Pour vous, dès lors, mon nom sera également Mort. Cherchez-moi dans la brume, entendezmoi dans le cri des oiseaux.

Puis il devint effectivement brume, ou en tout cas disparut-il.

Ma belle dame dans la litière n’eut jamais besoin de irtir.



J’ai mêlé tes paroles au sort, Kazan. À présent, amène-moi l’encre dorée.

Om Rashid mouilla un autre roseau en prenant l’encre. Quant à elle, son visage restait aussi serein qu’une vasque du jardin.

- J’imagine que l’acquisition ne fut pas sans aventure elle non plus ?

- Votre seigneurie avait effectivement émis une requête exigeante, mais je finis par trouver ce que je cherchai.
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Message par Osiris Lun 14 Avr 2008 - 14:21

Je pris la route du hadjdj jusqu’à Jérusalem, rejoignant un grand groupe de pèlerins sous la protection d’un vieil Arabe effrayant. Cela semblait le moyen le plus sûr. Rares étaient ceux qui se connaissaient, et la caravane s’étirait tant que nul ne s’interrogeait sur mon absence dans la journée. Dormant dans les couvertures roulées de mes serviteurs, je défiai le soleil du désert et gardai mon corps (sinon ma dignité). La nuit, entre les murs frais du caravansérail, je prélevai mon propre péage sur les voyageurs fourbus.

Après Damas, nous nous séparâmes de la caravane pour nous diriger vers la côte, puis vers le nord. J’entendis de nombreuses histoires sur les Franj, et des chiens musulmans sans foi qui vendaient les babioles sacrées de Jérusalem - dont des fragments du Rocher. J’examinai leurs marchandises cent fois dans cent rues et marchés, mais aucun n’avait autre chose à m’offrir que débris et mensonges.

Mais un vent nouveau soufflait à Tripoli. Très différent de Samarkand aux mille bijoux, par exemple. Ici, l’odeur entêtante des citrons et du sel de la mer se mêlaient à la puanteur des sales Franj et de leurs ordures - alors même que la magnifique vue des dômes du hammam contrastaient avec les croix apposées sur le toit des saintes mosquées. C’est à Tripoli que je finis par entendre parler d’un chevalier français, dénicheur de reliques au boniment plus convainquant que les autres : il avait vraiment fait partie de ceux qui avaient mis la ville à sac avant que Salah al-Din (qu’Allah sanctifie son âme) ne la reconquière pour la purifier.

J’observais ce misérable pendant quelques nuits. Au début, je m’inquiétais qu’il puisse être l’esclave de quelque Templier buveur de sang, mais ma veille m’assura qu’il était aussi déficient d’esprit que le reste de sa race endormie. Je décidai de me glisser dans ses appartements quand la maisonnée serait endormie - il habitait avec un cousin, avec beaucoup de style pour un poltron, à mon goût - et d’apprendre par moi-même la nature de ses prétentions.

Il fut ridiculement simple d’entrer sans me faire voir des gardes. Ecrasés d’alcool comme ils l’étaient, j’eus à peine besoin des talents de Caïn. Le verrou du coffre au pied de son lit se brisa sans résister ; personne ne m’entendit. Je fus accueilli par une pile de terre et d’argile. Qu’étaient ces jarres d’eau croupie ? ”Bénie par le

BAIT AL-FÏTNA

prêtre au Saint Sépulcre ?” Et ces rochers poussiéreux des ”fragments de la Via Dolorosa ?” Au moins n’y avait-il aucun fragment de la Vraie Croix ! Mais je ne dénigrerai pas totalement mon hôte chrétien. Il était assez évident que l’encenseur de bronze et Vaspergillum d’argent provenaient d’une véritable église.

Peut-être n’avait-il plus ce que je cherchais depuis des années, me dis-je en m’apprêtant à partir. Puis je me souvins de ce que vous m’aviez dit sur les Franj : que le Rocher leur est tout aussi sacré, pas à cause de l’ascension du Prophète (la paix soit sur lui) mais parce que même dans leur vision déformée du monde, il reste le centre du monde, le site du sacrifice d’Ibrahim et de la vision de Yacoub. De mes doigts aussi légers que la soie, j’écartai les tissus et découvris la poitrine velue du chevalier. Là, percée et pendue aux côtés d’autres médaillons sur des lacets de cuir, se trouvait une pierre nue qui m’émerveilla néanmoins - car là, je le sus immédiatement, se trouvait le vrai trésor qu’il s’était réservé. Je demandai pitié à Allah. Je savais que j’avais enfreint une loi sacrée en entrant sans y être invité dans les appartements de cet homme, même s’il s’agissait d’un infidèle. Et pourtant, j’étais prêt à poser la main sur le saint des saints.

Et je ne pouvais pas vraiment me repentir ni me purifier convenablement en ce lieu. J’expliquai de mon mieux la situation à Dieu, Lui rappelant votre intention pieuse, le priant de ne pas punir cette entreprise face à la cruauté de ce chien d’infidèle. Par Ses Plus Beaux Noms, je Le suppliai de me prêter le courage de faire ce qu’il fallait. Je glissai ma main droite dans ma manche, puis pris mon poignard de la gauche. Je saisis le lacet et tranchai.


Le silence se fit alors entre les trois Ashirra, un silence qui crût, s’épanouit et mourut en quelques instants.

- Je m’interrogeai sur la brûlure à ton poignet, dit Om Rashid.

- J’allais vite découvrir que les vêtements ne sont pas une protection suffisante contre le pouvoir d’Allah, l’Unique, l’éternellement Supplié, répondit le mamelouk en serrant sa blessure contre sa poitrine comme en écho de la terrible douleur qui traversait son bras.

Il s’était résolu à en porter la cicatrice tout un mois, en pénitence.

- En vérité, nul ne Lui est égal.

Le travail d’or de la sorcière était presque achevé, soulignant la forme noire, la traversant comme les veines précieuses d’une mine. Mais son pinceau restait suspendu au-dessus de la page, attendant une autre histoire.

- Et l’imam ? demanda-t-elle.

- Il se souvenait de vous avec plaisir, et des services que vous lui rendîtes il y a si longtemps. Il saupoudra la pierre de poudre d’or et la bénit à l’eau de rose, comme vous l’aviez demandé. Il me demanda de vous transmettre qu’il prierait pour que votre sort l’imprègne, car plus de la moitié des guerriers de son pays souffre à présent de la malédiction.

- Terrible nouvelle, dit-elle tandis que de nouvelles formes s’écoulaient de son roseau. Mais pas inattendue.

- Et il y a pire. Il dit que parmi les maudits, les jeunes sont de plus en plus nombreux à dire que ce

n’est pas un tel fardeau. Que cela les aide à mener le jihad d’autant plus férocement.

Pour la première fois, un éclair de passion traversa le regard d’Om Rashid.

- Alors ils sont aveugles, commenta-t-elle, et les Baali seront contents d’eux-mêmes.

Rashid fusilla Kazan du regard pour ses propos.

- L’imam fut assez bon pour prier aussi pour moi, ajouta Kazan.

- Qu’Allah sanctifie son âme, murmura-t-elle. Eh bien ? Continue, mon mamelouk. Je sens que tu n’es pas au terme de ton histoire.

Kazan hésita.

- Non madame. Ne vous en inquiétez pas, je vous en prie. Et pourtant... depuis que je suis rentré, j’ai l’impression que les oiseaux au nid s’envolent trop souvent à mon passage. Mais mon attention est infaillible. Quand cette créature se montrera, je la tuerai comme un chien.

Om Rashid opina, repoussant le voile rouge qui avait obscurci sa vision. Tout avait été fait selon ses ordres. Tout. Elle baissa les yeux et, grâce à une longue pratique, ravala ses émotions. Elle devait garder le contrôle de son sort, devait retourner à cet état transparent qui était si nécessaire à la création.

- En vérité, mes frères, dit-elle enfin, il est de notre destin de vivre dans la hait al’fitna, la Maison des Epreuves, tout en continuant d’arpenter la Terre. Nul sort ne peut le changer. Mais allons ; il reste un ingrédient. Kazan a parcouru l’Est et le Centre. L’Ouest était de ta responsabilité, Rashid.

Le Touareg sortit de ses vêtements un flacon de verre coloré, scellé de cire. La sensation diffuse d’un enchantement suivit son ouverture. L’odeur qui en sortit leur rappela immédiatement à tous le jeûne en cours.

- Quant à l’histoire, la mienne ne vaut pas celle de Kazan, loin s’en faut.

- Je dois pourtant l’entendre, assura Om Rashid en trempant un roseau neuf dans le flacon.

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- Depuis que votre seigneurie m’a démontré l’erreur de la foi de mon peuple, je n’ai eu nul désir de retourner au Maghreb. Et pourtant, il me fut doux de marcher à nouveau dans les rues de Fez, même brièvement. Le Serpent est venu à moi comme prévu, et nous avons chevauché vers les montagnes. L’impureté se trouvait dans une grotte qu’il avait découverte, dont les Berbères disaient qu’elle avait un afrit.

Superstition, certes, mais elle nous avait bien guidés. Bien sûr, il y avait de nombreuses protections autour du lieu. Il y avait des pièges à feu, des pièges à peste, et d’autres charmes plus sombres qui m’étaient inconnus. Mais ce que je ne pouvais défaire, le prêtre blasphémateur le pouvait, et vice versa. À nous deux, nous pûmes abattre toutes les défenses : seuil, antichambre, sanctuaire, crypte.

La tombe elle-même était assez austère ; cela me surprit. Une rangée de jarres de terre emplies de minerais

précieux, de bitume et de diamants bruts en bordait le pourtour. Et au-dessus de ces jarres, des fresques avaient été peintes sur les murs, que l’amour de la foi me poussa par la suite à morceler et à défigurer, jusqu’à ce qu’on n’en puisse plus voir un trait. Aujourd’hui dans mes rêves, ces silhouettes se rient de moi, car je ne peux pas les détruire si facilement dans mon souvenir.

Quoi qu’il en soit, l’immonde créature n’était guère qu’une charogne quand nous l’avons trouvée. J’imagine qu’elle s’était endormie au lendemain d’une terrible bataille, car elle était couverte de cicatrices à moitié guéries. Elle ne bougea pas avant le moment fatal, quand je plantai mon bâton pointu contre sa poitrine. Avant qu’elle puisse ouvrir les yeux ou murmurer la moindre syllabe, j’avais enfoncé le pieu d’un geste puissant.

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- Qu’Allah soit loué de t’avoir préservé de la malédiction du mourant, mon fils. J’en connus qui n’eurent pas cette chance.

- Je remercie le Dieu Tout-puissant pour Sa clémence.

- Ensuite ?

Le Touareg se sortit de cette brume de souvenir.

- J’ai tenu votre parole, madame, et permis au Serpent de prendre les deux premières jarres de fluide qui s’écoulèrent des veines de la créature. Je lui abandonnai aussi les offrandes de la tombe, car une bouteille de cette créature devait suffire pour voyager. Mais je pris le sang du cœur de la créature comme vous l’aviez ordonné. Je l’ai goûté pour m’assurer qu’il était bien des Baali, avant de le sceller. Je l’ai gardé avec le plus grand soin sur toute la route du retour.

- Je ne douterai jamais de ton attention. Que demanda encore le Serpent, en échange des services rendus ?

- Quoi d’autre ? tonna-t-il.

- Il dut bien demander autre chose.

- Il jura de ne jamais rien exiger d’autre de notre part.

- Ce n’est pas dans leur façon de faire.

- Je sais. C’est pourquoi je le plaçai sous la Vérité du Sang et lui reposai la question. Il répondit : ”les démonolâtres sont nos ennemis autant que les vôtres. Nous vous le disons depuis de nombreux siècles, mais vous refusez encore de le croire. Vous considérez que je vous ai rendu service - mais vous devez comprendre que vous m’avez rendu la pareille.

- Je vois.

Om Rashid ajouta les derniers filigranes de rouge et reposa son pinceau pour la dernière fois. Les mains repliées, elle contempla ce qu’elle avait tissé. Ses lignes et couleurs commençaient déjà à se tordre. Ses enchantements s’efforçaient de naître. Les deux hommes, perdus à présent dans leurs propres méditations, avaient cessé de regarder.

- Alors si tel fut le prix, murmura-t-elle dans ce silence bien trop fertile, je dois le porter avec toi, mon fils.
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